« La vie apporte plus que les rêves.
J’ai découvert la raison d’être de ce 1er festival des courts métrages dans tout ce que le cinéma laisse voir, le mieux comme l’originalité des films et autant dans la diversité. Cela m’a permis aussi de trouver l’inspiration dans la découverte du travail des autres membres du jury. »
Pauline Guilmot
C’est en ces termes que Pauline Guilmot s’est exprimé comme membre du jury du 1er festival du Cri du Court à l’Eden de la Ciotat, en abordant l’interview accordée à Jacky NAiDJA.
Interview de Pauline Guilmot
JN : Vous êtes aujourd’hui membre du jury du 1 er festival des Courts métrages initié par le Cri du Court à l’Eden de la Ciotat. Qu’est ce qui a motivé particulièrement votre choix pour ce festival ?
PG : Accepter d’être jury, ce n’est pas venir juger. C’est venir découvrir. Alors, une fois qu’on a dit ça, vous voyez bien qu’une invitation comme celle-ci ne se refuse pas. En plus, il s’agit de courts métrages qui ont déjà été primés, ce qui nous rend pleinement libres, je crois, pour aller au-delà d’un classement, pour ressentir ces œuvres, dans leurs dimensions technique, sociale et bien sûr artistique. C’est la particularité de ce festival. Sinon, venir dans la ville de la Ciotat et plus particulièrement sa gare et l’Eden, en ce qui concerne le cinéma, cela représente l’Histoire d’une naissance : celle du cinématographe !
JN : Vous découvrez le sud de la France en l’occurrence la Ciotat avec son cinéma mythique l’Eden et un 1er festival des courts métrages. Quelles ont été vos premières impressions à propos de ce festival ?
PG : Ma première impression a été à la fois qu’il s’agissait d’une première édition mais très maîtrisée en terme de savoir-faire de programmatrices (Mireille et Ida), d’accueil, d’agencement de la compétition, etc…sans doute héritée des années du Best of, et à la fois un goût pour la nouveauté, la légèreté, j’ai senti beaucoup de passion sérieuse, de curiosité et d’amusement, le tout savamment dosé !
JN : Que garderez-vous de ces 4 jours de festival ?
PG : Un sentiment d’avoir été en famille. Je ne peux pas vous dire mieux…ni plus, ni moins !
JN : En tant que musicologue et critique de cinéma, vous êtes aussi coordinatrice générale de l’académie des Lumières à Paris qui décerne chaque année les prix de la presse internationale aux films et réalisateurs dans plusieurs catégories. Expliquez-nous cette relation musique et cinéma puisqu’on récompense aussi la musique de films dans les festivals comme Cannes par exemple ?
PG : C’est une question difficile à aborder en deux minutes, ça dépend du rôle qu’on donne à la musique dans sa création, quand on est réalisatrice ou réalisateur. Les relations qu’entretiennent musique et cinéma sont complexes car tout dépend de la relation qu’a l’auteur du film à la musique. Certains réalisateurs veulent des compositions qui ressemblent à une ou des musiques qu’ils écoutent, souvent en boucle, depuis des mois, donc ils « instrumentalisent », si je peux dire, la musique originale du compositeur pour qu’elle « colle » à une autre. Parfois, les idées ne sont pas du tout précises, ou au contraire trop précises ou bien le compositeur ne sait pas quelles musiques additionnelles vont être utilisées en « jonction » ou « en plus » de la sienne, originale. Je crois que cette relation doit s’étoffer, de la même manière qu’un décorateur de cinéma reste sollicité des repérages à chaque changement de plateau, la place du compositeur doit être mieux comprise et ne pas être reléguée au « dernier plan », au moment du montage ou après une validation d’un état de montage-image. Heureusement, les films d’animation laissent une belle partition aux compositeurs et il existe des réalisateurs qui connaissent, qui utilisent la force de la musique, combien elle porte une ambiance, une intention, une scène, comment elle vient soutenir un jeu, un geste, un regard : c’est aussi pourquoi on peut totalement créer des festivals de musique de films, des prix de musique etc…pour mettre l’accent sur ces et puis il existe des collaborations anciennes entre des compositeurs et des auteurs de films qui sauvent le tableau que je dépeins et c’est tant mieux !
JN : Pensez-vous que les courts métrages doivent essentiellement intégrer des prix pour la musique de leurs films ? Y a-t-il un intérêt particulier ?
PG : Vous voulez parler des festivals de court-métrages ? il y a un intérêt à montrer comment la musique sous-tend les émotions. Il n’y a qu’à voir le rôle de la musique dans nos amours, nos moments heureux ou malheureux pour sentir son importance. Après, les compositrices ou compositeurs vous diront que la meilleure musique, celle qu’il faut primer, c’est celle qu’on ne remarque pas…Paradoxal non ?
JN : Sur le cinéma en général, on parle de crise dans son système d’aide. Que vous inspire ce sujet eu égard à votre expérience dans la profession ? Et d’après-vous, quel avenir pour le cinéma français vivement secoué par la pandémie du Covid, puis par la fréquentation du public en chute ?
PG : Je parlais cet été avec un exploitant d’un grand cinéma d’art et d’essai parisien et il se disait très inquiet du mode de consommation actuel des films par les 12-20 ans, habitués à consommer de tout sur un temps très court, sans « contemplation », sans « fil conducteur » depuis les confinements. On disait la même chose de ma génération quand les télécommandes sont arrivées sur la télévision à domicile : « ces enfants n’arriveront plus à se concentrer, c’est horrible, ils zapperont à vie ». Dans notre jury ici, Arnaud Gairoard – qui a plus de dix années de moins que moi – a connu internet depuis l’enfance, en plus de la télécommande, et est pourtant devenu professeur d’analyse filmique et va au cinéma dès qu’il peut. Je ne sais pas si on peut poser des conclusions sur la période. C’est très juste de dire qu’on a été secoués, nous tous, pas seulement sur un plan professionnel…En ce qui concerne les financements publics, des aides s’orientent vers les séries, la VR, d’autres objets ou genres : je ne pense pas que ce soit pour autant la mort du long métrage de fiction en salle obscure !
JN : Qu’est-ce qui vous a fait le plus plaisir dans ce festival de la Ciotat au-delà des films de courts métrages que vous découvrez ?
PG : Les échanges et les rencontres…autour des films, du cinéma, de l’art et des passions !
JN : Le cinéma reste votre passion en même temps que la musique avec votre instrument fétiche le violon ? Dites-nous un peu plus ?
PG : Pratiquer un instrument depuis l’enfance, c’est important parce qu’on comprend au fil des années ce qui est en jeu dans « jouer », « apprendre par cœur », « interpréter », « monter sur scène », « faire partager une émotion », « aller jusqu’au bout » : on se retrouve moins démuni, j’ai l’impression, plus en phase, lorsqu’on est amené à être jury si on a traversé cette expérience du jeu mais aussi du trac, de l’effort pour faire parvenir une œuvre à autrui…
JN : A propos du jury constitué, qu’avez-vous à dire et plus particulièrement ressenti à propos du choix des prix aux films ?
PG : Alors c’est un choix collégial, nous sommes cinq et c’est un bon chiffre : on a à la fois le temps d’échanger sur les films, de parler d’autre chose, de nous, de nos métiers, de partager des moments hors compétition. Sur le moment de délibération, ça a été donc assez simple même s’il y a eu des films qui n’ont pas pu être primés au 1er Cri du Court, entre les trois choix or / argent / bronze, mais l’essentiel c’est qu’on ait pu exprimer, à travers notre choix à cinq, la profondeur des discours portés par les trois œuvres, à travers la voix sociale, la voix créative et la voix émotive…
JN : Et le jury jeune ? Qu’en pensez vous ?
PG : Ils sont très heureux eux-aussi d’être là ! Je trouve cette expérience hautement enrichissante, notamment lors de la table ronde qu’on a partagée avec eux et le public puis surtout lorsqu’on a exprimé nos choix : on a pu être en discussion dès lors, sur le leur, les nôtres, et parler cinéma ensemble ! Je pense que l’amour du cinéma, il naît dans des instants comme ceux-là. Ne pas être à l’école, défendre son point de vue, sans se poser de questions d’âge et de compétences.
JN : Enfin, que garderez-vous de ces journées de cinéma et reviendrez-vous dans ce festival de la Ciotat ?
PG : Je reviendrai avec bonheur ! J’emporte avec moi l’idée que la passion, lorsqu’elle est partagée, est la meilleure façon au monde de se sentir tous proches, sans aucune autre condition.
Propos recueillis par Jacky NAIDJA
* Pauline Guilmot:
Musicologue et violoniste de formation, critique de cinéma et de musiques de films du 7e art, elle est aussi Coordinatrice générale de l’Academie des Lumières et de la presse internationale à Paris. L’Academie detcet’e en effet chaque année des prix aux réalisateurs et films dans 13 catégories pour récompenser le cinéma français.