SUR LA ROUTE DU CHARDONNERET (LE MAKNINE) DE SEHAM BOUTATA *OU »LA MELANCOLIE DU MAKNINE ».
(EDITIONS DU SEUIL, 190 PAGES, 17.50 euros).
Avec la préface de Souad Massi *
C’est un pari fou qu’à réussi Seham Boutata*, auteure d’un livre tout juste sorti ce mois de mars, publié aux éditions du Seuil et déjà accueilli avec intérêt par le grand public.
Sous sa belle plume, l’auteure franco-algérienne, Journaliste et écrivain, raconte l’histoire légendaire du chardonneret, le Maknine, un ouvrage tiré de la production de ses deux documentaires radiophoniques diffusés sur France Culture: Le 1er « la culture du chardonneret » et le 2è « l’élégance du chardonneret » diffusé dans la création On Air. Un récit qui surprend par sa force narrative étourdissante et la maturité de ses propos épris de tendresse dans un contexte plus que passionnant, pour narrer une relation fusionnelle entre un oiseau domestique et une personne admirative de sa beauté et de son chant qui peut faire naître entre eux beaucoup plus que de l’amitié.
Un travail d’enquête immense et méticuleux qui a permis à Seham Boutata à l’occasion de ses allers et retours entre la France et l’Algérie, de faire des rencontres avec les membres de la « Confrérie du chardonneret » d’où son petit nom algérien « le Maknine ». Cette confrérie entretient en effet une relation toute particulière avec l’oiseau réputé par tradition pour sa voix, son chant exceptionnel et vertueux, lequel a surtout fort inspiré la fameuse chanson « Ya Maknine Ezzine (O joli chardonneret) ». On sait que les algériens depuis bien des générations sont connus pour être des éleveurs d’oiseaux et notamment de ce type d’espèce à cause de la beauté de son plumage très colorié, au chant particulier qui imite les autres chants qu’il écoute. Connu déjà au temps des Rois perses et des andalous et même des Deys Ottomans, il fait encore parler de lui aujourd’hui. Seham Boutata n’a eu d’autre envie que de parcourir la route du chardonneret qui a fasciné beaucoup d’hommes. A travers un récit littéraire d’une sensibilité intense et joliment mélancolique à la fois, elle a parcouru depuis Paris et Marseille le trajet pour rencontrer l’Algérie et suivre à la route du Maknine à travers son histoire, la colonisation, jusqu’au prolongement du mouvement du Hirak de février 2019 avec ce vent de liberté qui a soufflé sur ce pays. Préfacé par Souad Massi*, toute aussi authentique, parlant elle aussi avec passion de cet oiseau magique, ce livre sans aucun doute, emportera facilement ses lecteurs vers des moments nostalgiques, de rêves, pour s’arrêter devant ce pouvoir du chardonneret tant sublimé aujourd’hui dans les pays méditerranéens et particulièrement en Algérie où il est tant adulé. L’auteure raconte aussi à sa manière l’autre présence que suscite le Maknine dans la société algérienne, cet accompagnement familier que consent le Maknine à son maître. Laissant à ses lecteurs, l’intelligence pour comprendre par eux mêmes ces liens quasi personnels, légendaires et cette passion amoureuse qu’ont les hommes pour cette créature presque divine, lui rendant au passage un sacré hommage.
Le Maknine par la portée et la résonnance de la réputation de sa voix, fait perdurer encore aujourd’hui une tradition qui a amené l’auteure à s’interroger dans un livre brillant et fascinant sur toute l’histoire de cette espèce et de ses rapports avec l’homme, bien au delà de ce temps écoulé depuis la colonisation jusqu’au lHirak « quand bien même l’histoire de l’Algérie s’est mêlée au chant du chardonneret ».
JACKY NAIDJA
*Souad Massi : Musicienne algérienne. Chanteuse connue pour ses nombreux succès avec le Chaâbi, (musique populaire algéroise) puis le rock américain, la pop ou la country et le Jazz. Ses concerts tant à Alger qu’à Paris et à travers ses tournées dans toute la Franc et à l’étranger l’ont fait connaitre au grand public. Mêlant ses styles variés à des textes très personnels tirés le plus souvent de son vécu, son 4è album « O houria » est un succès en son genre avec Francis Cabrel tout comme le 9è album « Omniya » qui demeure une révélation.